Quand j’ai commencé cette série de peintures, j’ai tout de suite pensé aux Verdures, ces tapisseries de la renaissance
avec leurs motifs de feuillage très denses et quasiment luxuriants.

Cette approche par empreintes, pochoirs, apporte un chaos assez complexe, et après tout je travaille dans un sous-bois ce qui n’est pas illogique.

En extérieur, sur le motif, comme les paysagistes du XIXe siècle même si je fabrique les peintures ‘avec’ et non ‘sur’ le motif.

C’est une manière de faire des paysages en quelque sorte, qui pourrait rentrer dans la catégorie des paysages abstraits.

Donc ce sont des empreintes, des pochoirs, avec de la peinture en spray. Chaque branche, chaque feuille, chaque arbre a son propre vocabulaire, son propre langage, pas de reproduction, pas de dessin. L’environnement n’est pas imité, il est présenté .

Les éléments sont posés et je m’en remets totalement à eux. C’est la proximité des végétaux avec la toile qui va générer cette variété de densité.

Il y a l’idée du hasard et de l’effet de surprise. C’est la surprise qui fait le jeu. Et c’est évidemment la surprise que je cherche. Une sorte d’incertitude.

Et ce n’est pas intentionnel.

Chaque espèce d’arbre, chaque espèce de plante va apporter à l’œuvre son identité, sa propre signature.

Cette iconographie des branches, elle amène une narration quelque peu organique.

Ce qu’il y a autour de moi directement, le jardin, fournit finalement les formes, les motifs, les contours.

La luminosité, la profondeur, elle vient par la couleur. Et la composition, encore une fois, est extrêmement imprévisible.

Un rocher, un nuage, la forme d’un arbre qui fait penser à un nuage, c’est un effet visuel assez banal, c’est même instinctif.

Et donc regarder une peinture peut entraîner un effet visuel qui est similaire à celui de regarder une barre rocheuse. On aboutit au même effet visuel. C’est un réflexe instinctif. C’est donc une peinture instinctive qui amène à ressentir des effets similaires.

Il n’y a pas de similarité de la représentation mais plutôt une similarité du ressenti.

Donc ça peut autant faire penser à des vues de microscopes comme à des constellations.

C’est frappant d’ailleurs parce que ça peut faire penser à des choses que l’on ne voit pas, à des représentations, à l’idée que l’on se fait d’un microbe, l’idée que l’on se fait d’une constellation, grâce à des reproductions.

En tout cas il y bien cette idée que ces peintures peuvent faire penser à de l’infiniment petit ou de l’infiniment grand. Du micro au macro. Finalement les feuillages ne sont qu’un outil, un moyen pour évoquer une relation, on va dire, plus universelle.

Et absolument pas prévu, pas voulu, pas recherché, mais c’est quand même cette finalité qui en découle. C’est venu “entre guillemets” totalement naturellement.

Ce n’est pas le concept qui fait la peinture, c’est bien la peinture qui fait le concept.

Il y a l’idée que l’on puisse reconnaître des formes que l’on connaît, parfois on n’arrive pas à identifier quoique ce soit.


Et pourtant il y quelque chose qui évoque quelque chose, ça active en tout cas une image mentale.
Un détail du tableau qui fait penser à… Ça associe, ça rappelle quelque chose. On n’associe pas l’origine de la reconnaissance mais on reconnaît.

En tout cas c’est inexplicable.

Dans ce sens je pense que l’on peut dire que ce sont des peintures ouvertes, qui laissent libre l’interprétation. Ça peut évoquer des souvenirs flous et indistincts, sans jamais s’attacher à une scène précise.

Du moins ce que notre inconscient veut bien nous en laisser interpréter. Ça peut devenir très personnel, tellement personnel que c’est presque un miroir. Finalement on projette ses propres expériences sur la toile. Cela permet à l’œuvre de fonctionner comme un catalyseur de mémoire.

C’est aussi un support de réflexion sur soi-même.